Ce que les récits trompeurs réussissent là où les récits légitimes échouent

Apr 25 / Ekedi Kotto Maka
La désinformation n’est pas uniquement une affaire de faussetés. C’est une affaire de récits puissants, de connexions émotionnelles, de vides comblés.

Si certains récits trompeurs gagnent du terrain, ce n’est pas toujours parce qu’ils sont plus convaincants, mais parce qu’ils savent où s’insérer: dans les silences laissés par les institutions/organisations, dans les vides de sens, dans les endroits où la parole officielle ne descend plus jusqu’à l'individu — à l'humain. Il ne s’agit donc pas simplement de corriger les erreurs, mais de reconstruire la qualité du lien narratif. 
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Quand la parole légitime ne parle plus à personne

Les récits officiels s’adressent souvent à la raison, à la conformité, à la preuve. Ils s’enracinent dans une logique de maîtrise, de conformité, de neutralité. L’humain ne vit pas que dans les faits. Il vit dans les histoires.
Il cherche du sens, de la reconnaissance, un cadre narratif qui lui ressemble. Quand on lui parle en chiffres, en injonctions ou en démentis secs, il n’est pas forcément réceptif — parce qu’on ne parle pas au bon endroit. Dans ce vide, certains récits trompeurs s’engouffrent… avec chaleur,  clarté et cohérence (même factice).
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« Ce qui vous fera le plus de mal c'est de ne pas reconnaitre ce que votre audience ressent dans ce que vous lui racontez. »

Pourquoi les récits trompeurs résonnent

Ils parlent au ventre, au cœur, à la peur. Ils offrent une explication simple à ce qui est perçu comme complexe. Ils valident les blessures, les frustrations, les intuitions non nommées (injustifiés). Ils savent utiliser les bons mots — pas parce qu’ils sont vrais, mais parce qu’ils font écho.
Ils ne cherchent pas toujours à manipuler. Parfois, ils répondent simplement là où d’autres n’ont pas pris la peine d’écouter.
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« Le faux peut faire plus de bien que le vrai, s’il donne une sensation de lien et de clarté. »

Ce que les récits légitimes doivent apprendre

  •   Écouter les besoins, pas seulement les erreurs

Derrière la réception positive d'un récit trompeur ou biaisés, il y a souvent une attente non comblée, une blessure non reconnue. Répondre à ça, c’est restaurer la confiance.
  •   Parler avec, pas à la place de « l'autre »

Les mots doivent descendre, s’incarner, s’ajuster. Il ne s’agit pas d’expliquer ou ne penser « que les gens ne comprennent pas » : il s’agit de rejoindre l’autre. De trouver le point d'appui qui permettra de fluidifier le dialogue.
  •   Donner à voir ce qu’on fait, et pourquoi

Trop d’actions sont justes, mais invisibles. Une organisation doit incarner sa mission, la rendre lisible, régulière, compréhensible, émotionnellement accessible.
  •   Construire une parole lisible, alignée et incarnée

Pas besoin d’en faire trop. Toutefois, ce qui est dit doit correspondre à ce qui est fait et ce que l'on est. Ce qui est fait doit être rendu visible (illustré).  Ce qui n'est pas fait doit être assumé.

Pour aller plus loin

Ce n’est pas la vérité qui gagne. Ce n’est pas non plus le mensonge. C’est le récit qui relie, qui apaise, qui éclaire — même sans certitude.
Dans un monde saturé de contenus, d’images, de conflits d’opinion, la seule parole qui tient… c’est celle qui écoute, qui s’aligne, et qui rend visible ce qu'on ne perçoit plus.